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Nous rapportons deux observations de ScS diffuse sévère avec résorption mandibulaire bilatérale.

La ScS est à l’origine d’une diminution de la survie et d’une incapacité fonctionnelle marquée. Au cours de cette affection, l’atteinte du visage est fréquente et peut être responsable d’une gène esthétique et fonctionnelle. Parmi les différents facteurs qui y contribuent, existent les lésions de sclérose cutanée, l’amincissement ou l’effacement des lèvres, les télangiectasies, la diminution de l’ouverture buccale, et plus rarement des phénomènes de résorption de la mandibule.


Depuis la première description par Taveras en 1959 [4], à notre connaissance, 57 cas de résorption mandibulaire ont été rapportés au cours de la ScS [5]. Dans les études disponibles il n’y a pas de relation établie entre la résorption mandibulaire et le type de ScS, l’existence d’une atteinte viscérale, la durée d’évolution de la maladie ou la survenue de lésions de résorption osseuse dans d’autres territoires [6-9].


Les patients ayant des résorptions mandibulaires ont le plus souvent des lésions de sclérose cutanée marquées au niveau du visage et une limitation de l’ouverture buccale [6, 10]. Wood et Lee [10] ont mis en évidence une corrélation positive entre l’existence d’un amincissement de la membrane péri-odontale et la survenue d’une résorption mandibulaire. Cependant, d’autres études ont rapporté des résultats contradictoires sur ce point [6, 8]. Il n’y a pas d’éléments prédictif de la survenue d’une résorption mandibulaire au cours de la ScS. Il semble cependant que la sévérité de l’atteinte cutanée et l’amincissement de la membrane péri-odontale soient souvent retrouvés
en présence d’une résorption mandibulaire, comme chez nos 2 patientes. La physiopathologie de la résorption mandibulaire est incertaine.


Elle pourrait être la conséquence de lésions d’ostéonécrose
résultant d’une compression des vaisseaux par la peau scléreuse et inextensible et/ou d’anomalies microvasculaires des muscles s’insérant sur la mandibule [11]. 


La responsabilité potentielle de la corticothérapie, prescrite à faible dose au long cours chez nos deux patientes doit être discutée. Seule la patiente 2 avait reçu une corticothérapie à forte dose (1 mg/kg/j) plusieurs années auparavant. Jusqu’à présent, la corticothérapie n’a cependant pas été incriminée dans la survenue de phénomènes de résorption
mandibulaire. Les lésions de résorption osseuse intéressent le plus souvent l’angle mandibulaire, les condyles ou l’apophyse coronoïde et plus rarement le bord postérieur de la branche montante [5]. La fréquence de la résorption mandibulaire est probablement sous estimée: ainsi, les analyses radiographiques systématiques de petites séries trouvent une prévalence de 9,5 % à 33 % [6-10,12].


Le dépistage radiologique systématique de telles lésions
chez les patients sclérodermiques n’ayant pas de douleur de l’articulation temporo-mandibulaire ou de trouble de l’articulé dentaire est cependant probablement inutile, n’entraînant pas de conséquence pratique.


Ainsi, la résorption de l’angle mandibulaire entraîne avant tout, un retentissement esthétique avec apparition d’une
dépression à l’endroit du relief de l’angle mandibulaire comme dans le cas de nos deux patientes. La résorption
condylienne peut conduire à la survenue d’une asymétrie de
l’ouverture buccale, d’un trouble de l’articulé dentaire, de douleurs et de craquements lors de la mobilisation de l’articulation temporo-mandibulaire [11]. La résorption de l’angle mandibulaire peut, plus rarement, entraîner une névralgie du trijumeau [13].


À notre connaissance, aucune prise en charge chirurgicale à
visée esthétique des résorptions de l’angle mandibulaire n’a été proposée. En revanche, un traitement chirurgical de lésions condyliennes peut être indiqué, permettant d’améliorer l’articulé dentaire [5, 14]. Cependant, il est possible d’observer des récidives après chirurgie [15].


La résorption mandibulaire au cours de la sclérodermie n’est pas exceptionnelle et peut être invalidante aux plans fonctionnel et esthétique. Cette atteinte n’est pas corrélée à la sévérité, la forme ou la durée de la maladie.